Entrevue avec Jacques Baron


J
acques Baron enseigna 20 années à Burcin, une petite commune de l'Isère. A l'automne 1985, il eut la surprise de recevoir un micro-ordinateur EXL100, un tout nouvel outil pédagogique dont il sut parfaitement tirer à profit aussi bien pour l'enseignement que pour l'aider dans ses tâches administratives.  


Fabrice: Avez-vous participé aux cours d'informatique que l'Education Nationale organisait pour les enseignants pendant les vacances scolaires?

Jacques: Non, seuls les enseignants ayant reçu du matériel Thomson ont eu droit à cette formation …l’Inspecteur départemental nous a fait comprendre que trop peu d’écoles avaient été dotées de matériel Exelvision et nous avons eu droit à quelques journées pédagogiques prises sur le temps de formation (personnellement je les préférais aux pensum sur la grammaire ou la lecture !)

Fabrice: Si oui, quel a été votre ressenti sur cette formation? L'avez-vous trouvée conforme à vos espérances?
Jacques: Mis à part programmer quelques lignes en basic…. Rien de bien intéressant, il nous a fallu trouver d’autres modes d’apprentissage !

Fabrice: Vous souvenez-vous du moment où le matériel Exelvision est arrivé à l'école?
Jacques: A priori durant l’automne 1985, un camion a livré une dizaine de colis dans le couloir de l’école …j’ai signé le bon de livraison, inquiet de la provenance de tous ces cartons et me demandant ce qu’ils pouvaient bien contenir , vu que personne ne nous avait averti de leur arrivée.

Fabrice: Qui s'est occupé de sa mise en place? De quels éléments était-il composé?
Jacques: J’ai donc ouvert ses cartons durant l’interclasse de midi… mis à part la télévision , je ne voyais pas bien à quoi pouvait bien servir tout ce fourbi ! De mémoire il y avait donc une tél avec prise Péritel, un EXL100 et ses périphériques, un lecteur de cassette, un modem, une imprimante EXL80, des cartouches, des cassettes et quelques petits bouquins bleus ornés d’un papillon…

Fabrice: Au début du plan IPT, comment l'informatisation des classes a t-elle été perçue par le corps enseignant?
Jacques: Dans les jours qui ont suivi, j’ai téléphoné à … ou rencontré d’autres collègues qui venaient de recevoir du matériel, mais à priori , j’étais le seul à avoir hérité d’un Exelvision …Certains ont apprécié le cadeau et se sont mis à l’ouvrage …la doc des Excel 100 n’était pas longue et la mise en place plutôt simple… seul problème où caser tout ce matériel dans une classe unique ? Je n’ai guère eu de choix que de le placer au fond de la classe entre l’atelier peinture et la bibliothèque. Pour d’autres (beaucoup) ce fut un rangement direct au placard en attendant de savoir quoi en faire…

Fabrice: Et quelle fut la réaction des écoliers face à l'ordinateur?
Jacques: Il faut avouer que seule la télé a été saluée comme un don du ciel, le reste les a laissé perplexes... au moins autant que moi !

Fabrice: Secondé de l'ordinateur, avez-vous senti une meilleure assimilation des cours par les écoliers?
Jacques: L’ordinateur a eu plusieurs utilités pour les élèves, les plus jeunes étaient fascinés par ExelPaint et la possibilité d’imprimer leurs œuvres… les autres patientaient gentiment en attendant que le programme qu’ils devaient utiliser veuille bien se charger …mais dans l’ensemble le ressenti était positif et la machine bien plus patiente que le maître …  en plus les grands arrivaient à se programmer des lignes en Basic …For I = "Je ne dois pas faire l’imbécile en classe." Etc...

Fabrice: Au sein de la classe, combien d'heures par semaine étaient accordées à l'usage de l'outil informatique?
Jacques: En classe unique , pas vraiment de temps dédié à l’informatique, j’allumais le poste à la récréation de 10 heures et l’éteignait après la classe, … Il était un peu en libre service sauf pour certaines périodes spécifiques (lecture, géométrie,remédiation,...)

Fabrice: D'après votre expérience, qu'a apporté l'apprentissage du Logo aux écoliers?
Jacques: J’ai beaucoup aimé la cartouche Logo car j’ai tout de suite remarqué que  ce langage permettait un développement de la logique et, surtout, développait la logique tout en restant très ludique et visuel . De plus, pratiquant la pédagogie Freinet dans ma classe, la maîtrise du Logo se faisait par une suite d’essais ou alternaient réussites et échecs ! Par exemple, je collais un calque sur l’écran avec un petit labyrinthe dont il fallait sortir …

Fabrice: Votre école a t-elle reçu la "Valise" IPT (le coffret en carton contenant un lot de cassettes de programmes éducatifs)?
Jacques: Oui! Elle comprenait beaucoup de cassettes et plusieurs cartouches (Exeltexte, Exelogo, ExelPaint )

Fabrice: Pouviez-vous commander des programmes de votre choix ou vous étaient ils imposés?
Jacques: Non, car aucun crédit n’avait été voté dans la commune, la mairie ignorant totalement que l’école serait dotée de ce type de matériel. Par la suite, j’ai consacré une petite part de mon budget scolaire plus un financement de la coopérative scolaire pour acheter  le lecteur de disquettes .

Fabrice: Votre école a t-elle été dotée d'un modem? Si, oui, quel usage en faisiez-vous?
Jacques: On a bien reçu un modem enfichable dans l’EXLl00, mais les protocoles a mettre en place pour communiquer avec d’autres écoles était si complexe que je ne l’ai guère utilisé pour « échanger » textes et dessins … par contre, l’émulation du Minitel fonctionnait très bien et permettait des échanges sur RTEL2 (bidouilles et autres…)

Fabrice: Le lecteur de disquettes a t-il rejoint votre équipement? Si oui, que vous a t-il apporté?
Jacques: Oui acheté par la suite,  j’avais transféré tous les programmes cassettes sur mes disquettes (pas trop difficile en général) mais certains programmes se sont montrés coriaces …. Quelques nuits un peu écourtées, mais que de temps gagné au chargement des programmes !


Fabrice: Si l'ordinateur servait à l'éducation des enfants, vous secondait-il également dans vos tâches administratives?
Jacques: Oui, je me rappelle avoir « informatisé’ la bibliothèque avec une cartouche (dont j’ai oublié le nom), genre Dbase ….sinon, je préférais Multiplan pour les calculs de notes,...

Fabrice: L'ordinateur Exelvision a t-il répondu à vos attentes?
Jacques: Globalement oui, bien qu’il ait fallu se former tout seul et ne rien attendre de bien concret de l’Education nationale … L’EXLl00 était une machine en avance sur son temps, dommage que l’Etat s’en soit désintéressé assez vite …nous abandonnant avec un matériel difficile à réparer près de Grenoble...

Fabrice: Avez-vous eu des contacts avec la société Exelvision?
Jacques: Très peu (un ou deux communications avec le SAV pour débloquer l’imprimante…. Mais je mettais abonné à la revue "Exelement Vôtre" et j’ai beaucoup aimé cette revue !
 
Fabrice: Vous avez par la suite travaillé avec les micro-ordinateurs TO8D et TO9+, comment jugez-vous l'Exelvision face aux produits Thomson?
Jacques: En changeant d’école j’ai abandonné le matériel Exelvision pour du Thomson, je suis retombé dans les tracas des connectiques défaillantes des Nano-réseaux ….bref, j’ai acheté des TO8 et TO9 pour leur fiabilité et le nombre de programmes éducatifs disponibles (entre temps Exelvision avait disparu de la scène informatique scolaire). Globalement, Thomson a été plus diffusé dans les écoles, mais le matériel n’était pas aussi robuste que celui d’Exelvision….

Un grand merci à monsieur Jacques Baron d'avoir eu la gentillesse de répondre à  mes (très) nombreuses questions.

Entretien réalisé en mai 2014.


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