Entrevue avec Olivier G. d'Initiel

Olivier a eu la gentillesse  de me faire  partager
ses souvenirs concernant la marque au Papillon

A l'époque j'ai travaillé pour la société Initiel, et en particulier sur EXL100. J'ai développé une calculatrice parlante pour ce dernier. Le logiciel était une calculatrice scientifique qui avait la particularité d'annonçer le résultat par synthèse vocale. A l'époque la synthèse de la voix sur l'EXL100 était pratiquement impossible à la main. Initiel m'avait prêté un EXL100, pour que j'écrive le programme, et j'avais défini avec elle l'ensemble des mots de base nécessaires à la synthétisation vocale des résultats. Le liste des mots avait été soumise à la société Exelvision qui nous avait retourné quelques temps plus tard un listing Hexadécimal des mots synthétisés. Une vraie galère à retaper, mais au final une superbe calculatrice parlante aussi inutile qu'impressionnante par sa qualité d'expression. Je n'ai jamais touché un centime de la part d'Initiel pour cette réalisation mais cela n'a pas d'importance; Le patron d'Initiel à l'époque m'ayant expliqué que le logiciel ne s'était pas bien vendu...

Quelques temps plus tard, lors d'un déplacement dans les locaux d'Exelvision, je suis tombé sur une cassette de «Calculadora Parlante» (NDLR: déstinée au marché espagnol par le biais de la société Amper) et l'équipe Exelvision m'a très gentiment offert cette cassette. Je n'ai pas eu de mal a reconnaitre mon programme, seuls les DATA des mots synthétisés avaient été remplacés par leur équivalent espagnol. Pour l'anecdote, en français nous prononçons 90 «quatre-vingt DISSE», et 90 000 «quatre-vingt DI MIL». J'avais donc inséré dans mon code des petits tests pour traiter correctement ces prononciations...Et bien ces tests étaient présents dans la version espagnole. J'ai touvé cela amusant et, ne parlant pourtant pas la langue Ibérique, douté que le programme parla correctement l'Espagnol... Car il ne suffisait pas de remplacer les datas pour que la synthèse vocale puisse bien fonctionner, c'est ce qui avait été fait.

La cartouche Calculadora Parlante -->

Fabrice: Comment êtes-vous devenu programmeur chez Initiel? Quelle est votre  formation?
Olivier: J'ai connu Initiel via Francis Pierot qui travaillait déjà pour eux. J'étais à l'époque élève en école d'ingénieur en informatique dans la même école que Francis.  Ma formation : Ingénieur en informatique, suivi d'un master en organisation.

Fabrice: Sur quel micro-ordinateur avez-vous débuté?
Olivier: Au tout début sur calculatrice TI-57, c'est par elle que j'ai découvert la programmation...mais 49 pas de mémoire et un afficheur 8 digits c'était évidement un peu court.  L'année de mes 16 ans (1979) j'ai eu la chance de faire  un stage de 2 mois dans une entreprise dotée d'une «vraie informatique». Là, j'ai découvert la programmation en assembleur IBM360, par cartes perforées sur un Sperry Univac 90/30. L'année suivante, en 1980, je m'aventurais à la découverte du Basic sur le Hewlett Packard HP85 du lycée où j'étais pensionnaire et très vite je me suis acheté ma première machine... un Videogénie, c'était un compatible TRS-80. Là, c'était vraiment parti... Basic,  Pascal sous CP/M, et les débuts en assembleur Z80.

Fabrice: Dans quelles circonstances avez-vous connu la marque Exelvision?
Olivier: A l'époque, avec Francis Piérot et quelques autres passionnés, nous connaissions je pense pratiquement toutes les machines vendues sur le marché Français, le microcosme de l'informatique familiale était relativement petit. De mon côté j'avais déjà publié quelques jeux sur Casio FX-702P chez logistick (un petit éditeur disparu depuis longtemps), participé à un livre sur le FX-702P et publié dans Hebdogiciel... Donc la marque je ne sais plus trop comment je l'ai connue. Par contre mes débuts en programmation sur l'EXL100 (qui se résume à un seul programme... la calculatrice parlante) ce fut via la société Initiel.

Fabrice: Quelle furent vos impressions concernant l'EXL100 et sa programmation?
Olivier: Concernant la machine en tant que telle, je pourrais résumer en disant: De superbes idées, mais pas abouties. Le clavier par exemple: Supprimer le câble... génial ! On pouvait programmer couché, par contre il fallait programmer dans la pénombre car en pleine lumière le signal passait mal. Je me rappelle en avoir été réduit à scotcher un tube en carton entre l'émetteur et le récepteur. Du coup le clavier n'était plus relié par un fil, mais par un tube rigide. Les touches étaient une horreur, je n'avais pas eu la chance de disposer d'un clavier pro, aussi taper sur un clavier gomme d'EXL100 donnait rapidement des crampes aux doigts. Dès que la pile fatigue, on a tendance à chercher à appuyer plus fort sur la touche en caoutchouc. On fait d'ailleurs la même chose sur les touches de la télécommande d'un téléviseur… C'est idiot, cela ne sert à rien mais on le fait tous... (mais si mais si, vous aussi!). Avec l'EXL100, après quelques heures de programmation, on avait mal aux doigts et aux poignets.
Le processeur vocal était une idée géniale... mais pratiquement inutilisable sans une aide extérieure pour encoder le signal. Une idée géniale quand même. Sur le reste pas grand chose à dire, c'était une jolie petite machine.

Fabrice: Selon vous, quels étaient les points positifs de l'EXL100.
Olivier: Je l'ai dit, le fait de supprimer le câble du clavier ou des joysticks et le processeur vocal. Les cartouches aussi, même si j'en ai expérimenté peu.

Fabrice: En revanche, avez-vous le souvenir de défauts sérieux qui vous ont bridé?
Olivier: Je crois que le pire était, comme je l'ai dit précédemment, les touches en caoutchouc et l'encodage du processeur vocal. J'ai eu accès via Exelvision à un encodage Pro, à Sophia Antipolis je crois, donc je n'ai pas été bridé... Ceci étant, si j'avais été seul, je pense qu'entendre des programmes parler aussi bien et être tout a fait incapable de produire, ne serait-ce qu'un mot approchant m'aurait frustré. J'étais avec Francis (un des deux potes qu'il cite) lors de la tentative de faire prononcer «VERT» à l'EXL100, qui après de nombreux efforts nous a seulement permis d'obtenir un borborygme «skjls dkjfsj ezfiejf EEEERRRRT !».

Fabrice: Comment étaient vos relations avec la société Exelvision?
Olivier: Aucune relation directe, tout passait via Initiel. Je ne suis allé qu'une fois chez Exelvision, le jour ou j'ai récupéré la cassette de la version Espagnole de la calculatrice parlante...C'était bien après avoir cessé  de développer sur l'EXL100.

Fabrice: Développiez-vous également pour d'autres micro-ordinateurs?
Olivier: Oui bien sûr, et je dirais même surtout pour d'autres! En vrac: des pockets (Casio FX-702P, PB100, PB700, Canon X07, Sharp PC1211 PC1500 etc... ) un peu sur l'Atari 520ST, mais surtout sur l'Amstrad CPC dans toutes ses versions au fil du temps: CPC-464, 664, 6128 et 6128+ (j'en ai encore un en état de marche). Il y a eu d'autres machines, mais à l'époque c'étaient les principales... du moins celles dont je me rappelle bien.

Fabrice: Après votre expérience chez Initiel, avez-vous continué à développer?
Olivier: A titre de développeur de jeux, non. Par contre j'ai continué l'informatique et le développement, bien sûr. J'ai fini mes études et suis rentré comme  développeur dans le service informatique d'une grande entreprise. Aujourd'hui je suis DSI dans un groupe international.

Fabrice: Après presque 30 années passées, quel regard posez-vous sur la  programmation informatique des années 80-90?
Olivier: Je pense que c'était avant tout une autre époque, une époque de pionniers. Nous découvrions les possibilités des ces nouvelles «machines familiales», sans pour autant imaginer ce que tout cela donnerait plus tard. Nous étions bercés de science-fiction (merci Messieurs Asimov, Van Vogt et bien d'autres ), nous nous amusions beaucoup. En terme de programmation, nous avions peu de méthode,  et des méthodes peu orthodoxes, mais pour autant je pense que nous étions tout de même très structurés dans notre démarche et notre programmation... Peut-être la raison du succès de quelques-unes de nos réalisations... contrairement à l'image que certains pourraient en avoir, tout cela n'avait rien de la "bidouille" . Mais le maitre mot que je retiendrai sera tout de même la passion... nous étions (et sommes toujours j'en suis certain) des passionnés.

Olivier, je vous remercie beaucoup pour le temps accordé à la réponse à toutes mes questions.

Entrevue réalisée en février 2014


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